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28 septembre 2014

Albertine, Suite, ....Albertine, Suite, ....

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Seulement, sur sa bouche aux lèvres légèrement bombées errait je ne sais quel égarement, qui n'était pas celui de la passion heureuse ou qui va l'être tout à l'heure ! Et cet égarement avait quelque chose de si sombre dans un pareil moment, que, pour ne pas le voir, je plantais sur ces belles lèvres rouges et érectiles le robuste et foudroyant baiser du désir triomphant et roi !

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La bouche s'entrouvrit... mais les yeux noirs, à la noirceur profonde, et dont les longues paupières touchaient presque alors mes paupières, ne se fermèrent point, − ne palpitèrent même pas ; − mais tout au fond, comme sur sa bouche, je vis passer de la démence !

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Agrafée dans ce baiser de feu et comme enlevée par les lèvres qui pénétraient les siennes, aspirée par l'haleine qui la respirait, je la portai, toujours collée à moi, sur ce canapé de maroquin bleu, − mon gril de saint Laurent, depuis un mois que je m'y roulais en pensant à elle, − et dont le maroquin se mit à voluptueusement craquer sous son dos nu, car elle était à moitié nue. Elle sortait de son lit, et, pour venir, elle avait... le croirez−vous ? été obligée de traverser la chambre où son père et sa mère dormaient ! Elle l'avait traversée à tâtons, les mains en avant, pour ne pas se choquer à quelque meuble qui aurait retenti de son choc et qui eût pu les réveiller.

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− Ah ! fis−je, on n'est pas plus brave à la tranchée. Elle était digne d'être la maîtresse d'un soldat !

− Et elle le fut dès cette nuit−là, reprit le vicomte. − Elle le fut aussi

violente que moi, et je vous jure que je l'étais !

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Mais c'est égal... voici la revanche ! Elle ni moi ne pûmes oublier, dans les plus vifs de nos transports, l'épouvantable situation qu'elle nous faisait à tous les deux. Au sein de ce bonheur qu'elle venait chercher et m'offrir, elle était alors comme stupéfiée de l'acte qu'elle accomplissait d'une volonté pourtant si ferme, avec un acharnement si obstiné. Je ne m'en étonnai pas. Je l'étais bien, moi, stupéfié !

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©Illustration: Lorenzo Pazinelli, Charité Romaine®

J'avais bien, sans le lui dire et sans le lui montrer, la plus effroyable anxiété dans le coeur, pendant qu'elle me pressait à m'étouffer sur le sien. J'écoutais, à travers ses soupirs, à travers ses baisers, à travers le terrifiant silence qui pesait sur cette maison endormie et confiante, une chose horrible : c'est si sa mère ne s'éveillait pas, si son père ne se levait pas !

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Et jusque par−dessus son épaule, je regardais derrière elle si cette porte, dont elle n'avait pas ôté la clef, par peur du bruit qu'elle pouvait faire, n'allait pas s'ouvrir de nouveau et me montrer, pâles et indignées, ces deux têtes de Méduse, ces deux vieillards, que nous trompions avec une lâcheté si hardie, surgir tout à coup dans la nuit, images de l'hospitalité violée et de la Justice ! Jusqu'à ces voluptueux craquements du maroquin bleu, qui m'avaient sonné la diane de l'Amour, me faisaient tressaillir d'épouvante... Mon coeur battait contre le sien, qui semblait me répercuter ses battements...

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C'était enivrant et dégrisant tout à la fois, mais c'était terrible ! Je me fis à tout cela plus tard. A force de renouveler impunément cette imprudence sans nom, je devins tranquille dans cette imprudence. A force de vivre dans ce danger d'être surpris, je me blasai. Je n'y pensai plus. Je ne pensai plus qu'à être heureux.

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Dès cette première nuit formidable, qui aurait dû l'épouvanter les autres, elle avait décidé qu'elle viendrait chez moi de deux nuits en deux nuits, puisque je ne pouvais aller chez elle, − sa chambre de jeune fille n'ayant d'autre issue que dans l'appartement de ses parents, − et elle y vint régulièrement toutes les deux nuits ; mais jamais elle ne perdit la sensation, − la stupeur de la première fois ! Le temps ne produisit pas sur elle l'effet qu'il produisit sur moi.

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Source: le Rideau Cramoisi in Les Diaboliques, Jules Berbey D'Aurevilly, 1874

©Illustrations, Source:Internet, auteurs: inconnus, sauf mentions indiquées®

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